Aimez-vous comme je vous ai aimés

La-Cene LdeV
Léonard de Vinci

  5ème  DIMANCHE DE PÂQUES

                     « AIMEZ-VOUS COMME JE VOUS AI AIMES »

Au cours du dernier repas que Jésus prenait avec ses disciples, quand Judas fut sorti du cénacle, Jésus déclara : « Maintenant le Fils de l’homme est glorifié, et Dieu est glorifié en lui Si Dieu est glorifié en lui, Dieu aussi le glorifiera ; et il le glorifiera bientôt. Petits enfants, c’est pour peu de temps encore que je suis avec vous. Je vous donne un commandement nouveau : c’est de vous aimer les uns les autres. Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres. A ceci, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples : si vous avez de l’amour les uns pour les autres. ( Evangile selon saint Jean CH :13 ; V 31-35 )

    

 

Voilà la consigne ultime de Celui qui est l’Amour fait homme. Jésus, visage de Dieu, ne se contente pas de nous dire, «  L’Amour est le coeur de la Révélation », Il nous montre concrètement, au quotidien, ce qu’aimer veut dire.

Lorsqu’Il guérit toutes sortes d’infirmes, Il nous dit que l’amour n’est pas neutre en face de la douleur de celui qui souffre.

Lorsque Jésus entre en relation avec les indésirables, les étrangers et même les adversaires, Il nous montre que l’amour ne peut exclure personne, ni Juif, ni Palestinien, ni habitant de tout continent : tous les hommes, toutes les femmes sont frères et soeurs, puisqu’ils sont Enfants de Dieu

  • Lorsque Jésus invite le publicain Lévi, collaborateur vénal de l’Occupant à le suivre, Il nous dit que l’amour ne regarde pas le passé d’un être, mais son avenir.
  • Lorsque Jésus prend la défense d’une prostituée anonyme qui le compromet gravement lors d’un banquet officiel, Il nous dit que l’amour a toutes les audaces.
  • Lorsque Jésus choisit la maison de Zachée pour faire escale à Jéricho, Il nous dit que l’amour choisit de préférence ceux qui ont le plus
  • besoin de Lui, quoiqu’il en coûte pour sa réputation.
  • Lorsque Jésus raconte la parabole du fils prodigue, Il nous montre la source de tout amour ; Il nous montre le coeur du Père qu’aucune ingratitude ne décourage.
  • Lorsqu’Il raconte l’histoire du Samaritain Jésus souligne que le prochain est celui dont on se rend proche, comme s’il était notre propre enfant.

La parole ; « aimez-vous comme je vous ai aimés » nous arrache aux images mièvres et sucrées de Jésus, qui nous ont si longtemps sécurisés et anesthésiés. Il y a tellement de contrefaçons qui étouffent au lieu de faire vivre, tant de sirop à la place du sel. IL y a tellement d’imposture dans les phrases de l’amour. Qui pourra soupçonner Jésus d’une tendresse fusionnelle, Lui qui invite à prendre ses distances à l’égard des liens familiaux, lorsque ces liens entravent une solidarité universelle ? Qui pourra soupçonner Jésus de mièvrerie, Lui qui bouscule avec fougue les coutumes religieuses qui pervertissent les relations ?

             «  Aimez-vous comme Je vous ai aimés » c’est-à-dire à la folie ! Etre crucifié signifiait à l’époque, que l’on sera rayé à tout jamais de la mémoire des vivants ; le nom du condamné ne sera plus jamais prononcé. Or, tout homme préfère perdre la vie que l’honneur. Jésus, Lui, a tout donné, a tout abandonné, son honneur et sa vie. Il n’y a pas d’amour plus grand que d’être prêt à tout perdre pour ceux qu’on aime. Jésus a aimé de cet amour –là. Il ira plus loin en pensant davantage à la détresse morale de ses bourreaux qu’à sa propre douleur. Cette agonie si longue et si douloureuse et cruelle, Jésus ne l’aurait pas connue s’il n’avait pas guéri le jour du sabbat, s’il n’avait pas pris parti en faveur des indésirables. Cette mort infamante, Jésus ne l’aurait pas connue, s’Il avait composé avec l’intégrisme des « filtreurs de moustiques et des  avaleurs de chameaux ». Il n’y a pas d’amour sans combat contre ce qui tue l’amour.

 

 

               « Aimez- vous comme je vous ai aimés » Prenez l’autre comme tel qu’il est. Ne le rêvez pas. «  Soyez comme votre Père céleste qui fait briller son soleil sur les méchants comme sur les bons, qui fait tomber sa pluie sur les injustes comme sur les justes. » Cette image éclaire la nature de l’amour : soyez pour vos parents, votre voisin, votre époux, votre épouse, vos enfants ce que le soleil et la pluie sont pour la plante. Le soleil et la pluie n’imposent rien. Ils ne complotent pas de changer le cactus en cerisier. Ils lui offrent de vivre grandeur nature ; ils n’influencent pas l’arbre : ils lui donnent d’exister.

                 Dieu disait déjà dans un texte d’Ezéchiel, devant sa petite fille, Israël, condamnée à mourir, jetée dehors comme une ordure au jour de sa naissance : « Je t’ai vue. Tu baignais dans ton sang. Je t’ai dit : Tu vivras, tu t’épanouiras comme les fleurs des champs » (Ezéchiel XVI).

 

                Je t’ai vue : l’amour commence par un regard. Regard plein d’attente de Jésus sur le jeune homme riche ; regard de réhabilitation sur Zachée, sur la prostituée chez Simon; regard blessé sur Pierre au matin de la trahison.

                Aimer, selon Dieu c’est porter une attention et une tendresse extrême  à un être dont on devine le caractère sacré, le mystère unique, la beauté incomparable. Cet être que Dieu a rêvé de toute éternité, que Dieu aime comme jamais une mère n’a aimé son enfant, voilà que l’amour nous donne de le voir tel que Dieu le voit, comme un miracle.

               Si nous pouvions voir la beauté d’une seule âme, nous serions comme le prospecteur qui reconnaît un diamant là où tous les autres n’ont vu qu’un caillou. Un autre texte de la bible nous est proposé ce matin à notre méditation. Il n’est pas sans relation avec la parole de Jésus. Il nous dit qu’éternellement nous nous émerveillerons des liens que nous avons ébauchés sur cette planète. Notre temps sur la terre est le temps du stage d’amour. Jour après jour nous apprenons le goût de l’autre. Bientôt s’ouvrira pour nous un printemps éternel. Un jour viendra où  « il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni peine, ni larmes, ni mort » (Apocalypse).Il n’y aura plus que l’amour, seul, débarrassé de ce qui le défigure, l’amour seul dans la joie de sa plénitude.

Père Lucas

Cène JB de Champaigne
Philippe de Champaigne
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