Le bon Samaritain

Jean-Jacques Henner
Jean-Jacques Henner

Dimanche10 juillet

Le bon Samaritain

L’évangile de ce jour nous raconte l’histoire d’un voyage de Jérusalem à Jéricho. Le chemin d’environ 25 kilomètres traverse un pays désertique et rocailleux. Mais l’histoire parle d’un voyage plus intérieur. Le mot employé par l’évangéliste saint Luc pour dire voyage est le même qu’il utilise pour parler de la foi chrétienne : le chemin.

La parabole est un voyage qui transforme notre compréhension de l’homme et de Dieu. L’histoire commence comme une histoire de Juifs et de Samaritains. Elle devient à la fin l’histoire de deux êtres humains.

Le spécialiste de la Loi demande : qui est mon prochain ? A la fin, Jésus pose une question différente : « Lequel des trois s’est montré le prochain de l’homme qui était tombé entre les mains des brigands ? »

Au départ, c’est l’homme de la Loi qui est au centre, qui se met au centre et qui aimerait savoir bien précisément quelles catégories de personnes il doit considérer comme son prochain ?

C’est là le voyage, le déplacement que la parabole nous invite à faire. On devient pleinement humain quand on apprend à céder la place centrale à d’autres, quand on cesse d’être le centre du monde.

 Le Samaritain s’était préparé pour son voyage, il avait de l’argent, de quoi manger et boire. Il utilise maintenant ces choses pour un but qu’il n’avait pas imaginé. Deux deniers étaient une grosse somme, c’était assez pour payer une pension complète durant trois semaines. Mais il donne même ce qu’il n’a pas encore, c’est-à-dire l’argent qu’il espère gagner à Jéricho. Il ne fixe pas de limite à sa générosité. Le Samaritain s’est fait le prochain de l’homme tombé à terre. Il crée une relation qui n’existait pas auparavant. La compassion authentique bouleverse nos projets et nous conduit  dans des directions inattendues.

En racontant cette histoire, Jésus éveille chacun à ce que doit être la rencontre d’un homme sur la route de la vie. Il ne s’agit pas de classer les hommes en différents catégories : nationaux, étrangers, croyants, incroyants, intégrés, marginaux. A l’image du Père de toute miséricorde, il s’agit de se laisser toucher, d’entendre le cri, de se faire proche, pour que l’autre puisse vivre.

Comment pouvons-nous prendre le risque de quitter Jérusalem pour aller à Jéricho ? N’est-il pas plus sûr de rester chez soi ? En définitive, nous oserons peut-être prendre la route parce que Dieu y est passé avant nous. Dieu a quitté Jérusalem pour aller à Jéricho, et nous pouvons le suivre en toute sécurité.

Jérusalem est la ville sainte, le lieu où Dieu  demeure dans le Temple. Mais le voyage nous éloigne du Temple, de l’endroit le plus sacré de la terre. Quand le prêtre voit le corps de l’homme blessé, il passe à côté ! Pourquoi ? Ce n’est pas nécessairement parce qu’il est sans cœur. L’homme blessé est décrit comme étant « à moitié mort ». Or toucher le corps de cet homme l’aurait rendu impur. Il ne voit pas en ce blessé l’homme qui a besoin d’aide mais un danger qui menace sa sainteté.

Le Samaritain était exclu du Temple. C’était un hérétique. Il était l’impureté incarnée. Mais ses gestes de miséricorde montrent l’endroit nouveau où se révèle la sainteté de Dieu.

Là où sont amour et charité, Dieu est présent.

Car, finalement, c’est Dieu qui git, dépouillé et brisé, sur le bord de la route et qui m’attend.

« J’ai eu faim et vous m’avez donné à manger, j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire. » ; j’ai été sans papier et vous m’avez recueilli.

Vous le voyez, l’enjeu de cette parabole est considérable !

Si nous posions la question : de qui nous rendons-nous proches ? Comment voyons-nous ceux qui sont au bord de la route : situation précaire, blessé de la vie… Et les ayant vus, que faisons-nous ?

C’est une parabole de l’Europe !

Accueil des étrangers sans discrimination ? Oui de qui sommes-nous prêts à être le prochain ? Accueillons-nous celui qui est notre premier prochain, le Christ qui s’approche de nous pour nous relever et changer notre cœur.

Quand Helder Camara, évêque de Récife apprenait qu’un homme pauvre avait été arrêté par la police, il téléphonait et disait: «  J’ai entendu dire que vous avez arrêté mon frère. » Et un policier répondait très respectueusement en s’excusant : « Monseigneur, quelle erreur ! Nous ne savions pas que c’était votre frère. Il sera remis en liberté immédiatement. » Quand l’évêque allait chercher cet homme au poste de police, il arrivait au policier de dire : « Mais Monseigneur, il n’a pas le même nom de famille que vous. » Helder Camara répondait que tout homme pauvre était son frère ou sa sœur.

Père Lucas

Le bon Samaritain - Carosfeld
Julius Schnorr von Carosfeld, 1851- 1860
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