Demandez et vous recevrez

 

Le Pharisien et le publicain par James Tissot, exposé au Brooklyn Museum, à New York

30èmè dimanche année C

DEMANDEZ ET VOUS RECEVREZ

Evangile selon Saint Luc ( Luc 18, 9-14 )

Jésus dit une parabole pour certains hommes qui étaient convaincus d’être justes et qui méprisaient tous les autres : « Deux hommes montèrent au Temple pour prier. L’un était pharisien et l’autre publicain. Le pharisien était là et priait en lui-même : « Mon Dieu, je te rends grâce parce que je ne suis pas comme les autres hommes : voleurs, injustes, adultères, ou encore comme ce publicain. Je jeûne deux fois par semaine et je verse le dixième de tout ce que je gagne. » Le publicain, lui, se tenait debout et n’osait même pas lever les yeux vers le ciel : mais il se frappait la poitrine, en disant : « Mon Dieu, prends pitié du pécheur que je suis ! » Quand ce denier rentra chez lui, c’est lui, je vous le déclare, qui était devenu juste, et non pas l’autre. Qui s’élèvera sera abaissé ; qui s’abaisse sera élevé. »

« Je te rends grâce. » La prière du pharisien commence bien : il commence par remercier ce que nous oublions si souvent de faire : soit dit entre parenthèse.

Et Jésus ne l’accuse pas d’être hypocrite car ce qu’il dit est vrai ; c’est vrai, ce n’est pas un voleur, il n’est pas injuste comme tant d’autres ; oui, il jeûne deux fois la semaine et paye l’impôt dû au Temple.

Mais voilà, de qui fait-il l’éloge ? Qu’admire-t-il ? Dieu, pour sa bonté, pour sa miséricorde, son cœur de Père ? Non, c’est de lui-même qu’il fait l’éloge, il est centré sur lui-même : Merci, mon Dieu, d’être comme je suis. Ce n’est pas une prière, c’est du narcissisme ! Il s’admire et n’a besoin de rien. Il fait le compte de ses mérites et il en a beaucoup. Il n’attend plus rien. Il est plein de lui-même.

Ce pharisien n’éprouve aucun besoin de demander quoi que ce soit. Il repart les mains vides.

Car prier, c’est demander ce qui nous manque, ce qui nous fait défaut, ce que nous ne savons pas faire- le louer par exemple. Le Psaume nous fait dire avec modestie et sérénité au début de l’office : « Seigneur, ouvre mes lèvres et ma bouche publiera ta louange. »

Le publicain, lui, demande et implore : « Mon Dieu, prends pitié du pécheur que je suis ». En effet, il accable le peuple d’impôts et travaille pour l’ennemi. Il n’y a vraiment pas de quoi se vanter. Voleur et riche par traitrise, il était détesté de tous.

En conséquence de qui fait-il l’éloge ? Non pas de lui mais de Dieu : il en admire la bonté et la miséricorde et ne doute pas d’être pardonné : il connaît assez l’amour paternel de Dieu pour être sûr d’être accueilli à cœur ouvert, te qu’il est.

Sa prière est une prière d’abandon entre les mains de Dieu : « Seigneur, je n’ai rien à te donner ; en moi tout est bancal. Mais si tu veux que je tienne debout, donne-moi la foi, donne-moi l’amour, donne-moi de quoi espérer. »

Prier, c’est écouter Dieu nous dire : « Tu es mon enfant bien-aimé, aussi pauvre sois-tu, je t’aime. » Alors, comment ne pas rendre grâce pour ce regard que Dieu porte sur chacun de nous, lui qui jamais ne désespère, ni de moi, ni des autres, ni du monde dans lequel nous vivons.

Si on avait demandé au publicain, à sa sortie du Temple :

Attendais-tu quelque chose de Dieu en venant au Temple ? sans doute aurait-il répondu :

 

Oui

Et, as-tu reçu ce que tu attendais ?

Oui et en surabondance…

Et toi le pharisien ?

Non je n’ai rien reçu, après un petit silence, mais je n’attendais rien. »

Et nous, dans quel état d’esprit sommes-nous venus aujourd’hui dans cette église ? Ne sommes-nous pas tentés de nous présenter devant Dieu avec nos apparence et nos certitudes ce justice, tout en jugeant les autres ?

Or nous sommes sauvés gratuitement. Le salut ne s’achète pas à coup de mérites et de bonne conduite. Cela change complètement notre relation à Dieu. Si je ne reconnais pas mon manque, mon vide, Dieu ne peut me remplir de sa tendresse. Nos rapports avec les autres en sont également modifiés. Au lieu de nous comparer à eux, nous reconnaissons en eux comme en nous-mêmes, les signes de la patience et de la tendresse de Dieu.

Faisons bon usage de cette parabole. Ne nous assimilons pas trop vite au publicain. Regardons avec sympathie le pharisien, notre frère. C’est lui qui est appelé à se convertir. Et ne disons pas à Dieu : « Mon Dieu, je te rends grâce parce que je ne suis pas comme les bons pratiquants satisfaits d’eux-mêmes ! »

Père Jean Lucas

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