Portrait. Jean Bulot : Ildarais forever


Jean Bulot et sa chaloupe, l’Ildaraise. À bientôt 80 ans, l’ancien capitaine de l’« Abeille Flandre » vit une retraite épanouie sur son île. (Le Télégramme/Loïc Berthy)


Jean Bulot vit une retraite heureuse sur son île, la seule où il imaginait passer sa retraite : l’île d’Arz. Hyperactif pendant les premières Semaine du golfe, l’ancien capitaine de l’Abeille Flandre profite à plein de celle-ci sur l’« Ildaraise », une chaloupe traditionnelle du golfe.

Il ne peut s’empêcher d’admirer les lignes de la chaloupe traditionnelle dont il est le grand artisan. « L’Ildaraise » a été construite au chantier du Guip, à l’Ile-aux-Moines, à partir de vieilles photos. Elle est la réplique à l’identique de bateaux traditionnels qui sillonnaient les eaux du golfe il y a bien longtemps. « Elles existaient avant les Sinagos. Mon grand-père est le dernier à en avoir possédé une dans les années 1930. Elle servait à transporter les gens et le matériel ». Jean Bulot est attaché à son histoire familiale, qui dévide des lignées de marins : un père commandant de cargo, un grand-père torpillé trois fois en 1914-18, un fils qui ravitaille des plateformes de forage en Angola. Mais l’ancien capitaine de l’« Abeille Flandre » est tout autant attaché au patrimoine maritime, celui de l’île d’Arz en particulier, le caillou sur lequel il est né. Depuis le début de la Semaine du golfe, Jean Bulot a bien sûr navigué sur l’Ildaraise, mais il n’a pas besoin du grand rassemblement maritime pour fendre les eaux à bord de ce modeste bâtiment de 5,50 mètres.

Ma femme me traite de bernique ! Mais je suis bien ici, c’est le Paradis !

Un chantier titanesque pour digérer la retraite

Madame l’accompagne parfois. Maintenant, c’est elle qui se montre la plus aventurière des deux, s’autorisant régulièrement des voyages de par le monde. Jean Bulot, lui, se contente de profiter de son île, dont les 3 km² lui suffisent amplement. « On a un appartement à Vannes, mais je n’y vais pas souvent. Et puis je n’aime pas l’avion. Ma femme me traite de bernique ! Mais je suis bien ici, c’est le Paradis ! Même quand il ne fait pas beau : un ciré, des bottes, et je vais à la côte ! » Ce Paradis, il a contribué à le refaçonner, s’embarquant dans un travail titanesque dès la retraite sonnée : la reconstruction du moulin de Berno et de ses 300 mètres de digue. « J’ai fait beaucoup tout seul, sinon aidé par quelques copains. On m’a pris pour un fou, parce qu’en plus on n’avait pas beaucoup d’argent. Côté matériel, c’était quelques brouettes et une bétonnière. Ça m’a pris six ans de ma vie, mais je pensais que cela aurait été encore plus long. Sans doute que ce chantier m’a aidé à passer le cap de la retraite ».

200 sauvetages au compteur

Car, on y vient, il est temps, Jean Bulot reste une figure de l’île d’Arz et, bien au-delà, du monde maritime. Quand on a été capitaine de l’« Abeille Flandre » pendant 25 ans, de 1979 à 1994, on a forcément quelques souvenirs hauts en couleur à raconter. « J’ai fait 200 interventions en quinze ans. Et encore avant, six ans de remorquage en haute mer. Il n’y a pas besoin d’aller dans les Quarantièmes rugissants pour avoir des vagues de 20 mètres : j’en ai eu à l’entrée de la Manche. C’était un métier dangereux, mais je n’ai jamais eu de gros pépins à bord. Mes gars savaient que c’était risqué, mais ils n’auraient laissé leur place pour rien au monde ».

Son plus grand souvenir reste le sauvetage du « Tanio », un pétrolier naufragé au nord de Morlaix en 1980. « Il s’était cassé en deux et menaçait de s’échouer sur la côte quand on a commencé à intervenir. Il contenait encore 12 000 litres de fuel lourd, une vraie saloperie ». Ces souvenirs sont encore bien vivaces dans le souvenir du marin qu’il sera toujours. Un marin qui, depuis deux éditions, profite pleinement de la Semaine du golfe.

Avant, il était aux avants postes pour organiser les accueils et le grand rassemblement des participants sur son île. Autant dire qu’il ne voyait pas le jour. « Maintenant, j’apprécie pleinement de naviguer dans le golfe du Morbihan, qui est un des plus beaux du monde. Mais je reste prudent. S’il y a trop de vent, je ne sors pas. Je laisse ça aux Parisiens ! »

Un marin écrivain
Jean Bulot n’est pas qu’un marin, il est aussi un écrivain. C’est ce qui l’occupe l’hiver quand le temps n’est pas à se promener sur son île. Lui qui a écrit une dizaine d’ouvrages se plaît à dire que c’est un bel effort de la part de quelqu’un qui n’a pas eu le bac. Son douzième livre est achevé et va bientôt être disponible en librairie. Son titre : « L’incroyable naufrage du Costa Concordia ». Le sauveteur qu’il a été des années durant n’a pu s’empêcher de plonger dans l’histoire de ce paquebot de croisière qui avait chaviré au sud de la Toscane, le long des côtes italiennes, en 2012. « Des fortunes de mer, j’en ai connu je ne sais combien durant ma carrière. Mais là, tous les professionnels ont été choqués qu’un tel bateau aille se drosser sur les roches comme ça et que le capitaine ait ainsi quitté le navire en plein naufrage. Dans mon livre, je dissèque toute l’histoire, du début à la fin ».
© Le Télégramme https://www.letelegramme.fr/morbihan/vannes/portrait-jean-bulot-ildarais-forever-01-06-2019-12299601.php#9zRSWEqbQtgFveOB.99

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