Faillite et démission

Faillite, le mot est l’exacte mesure de ce qui est révélé. La faillite est morale et spirituelle. Elle risque aussi d’être matérielle car les réparations auxquelles ont légitimement droit les victimes ne sont pas à la mesure des moyens financiers ordinaires de l’Église française. Pour mémoire, un tiers des diocèses américains, lesquels sont richissimes comparés aux nôtres, ont dû se mettre sous la protection de la loi des faillites après avoir versé des sommes importantes aux nombreuses victimes.5réactionsParticipez au débat

Qu’arrive-t-il en cas de faillite ? Les dirigeants sont remplacés, quand bien même ils n’auraient pas commis de « faute » à titre personnel. Il serait bien extraordinaire que les lois du commerce soient plus exigeantes que la loi morale de l’Église catholique ?

Mais la réflexion doit être plus spirituelle ; bien évidemment, tous les évêques ne sont pas coupables. En revanche, il ne fait pas de doute qu’ils sont responsables de façon collective. Responsables parce qu’ils ont accepté a priori cette responsabilité au jour de leur ordination. Ils ont dit qu’ils se situaient dans la longue tradition de la « succession apostolique ». Ils ont reçu la consécration des mains des évêques qui les ont précédés. Il y a une certaine beauté à cette construction théologique et spirituelle. Mais on ne peut pas l’invoquer sans cesse et se défiler le jour où elle devient coûteuse. Le rapport Sauvé est explicite sur les failles systémiques d’une organisation qui a permis les abus, les a couverts, et a fait taire tant les victimes que leurs proches au nom de l’obéissance et du bien supérieur du « corps » de l’Église.

Aujourd’hui, il faut des actes forts, des gestes qui engagent, afin que les victimes se sentent reconnues, afin que le processus de réparation à leur égard puisse commencer, afin que l’Église tout entière puisse commencer à se reconstruire.

Des précédents existent : les évêques du Chili ont remis leur démission collective au pape François après qu’une gigantesque affaire de pédocriminalité a été dévoilée. En Allemagne, le cardinal Marx, archevêque de Munich, a lui aussi présenté sa démission au pape au nom de la responsabilité qu’il considérait porter au regard des abus sexuels, bien que lui-même n’ait pas failli.

C’est pourquoi, avec François Devaux et Anne Soupa, j’ai appelé les évêques à présenter collectivement leur démission.

Christine Pedotti

https://www.temoignagechretien.fr/faillite-et-demission/

Share