Illustration de la suppression des tarifs préférentiels dans les liaisons entre les îles et le continent, Hoedic a failli perdre son kinésithérapeute. Une mésaventure que conte l’intéressé : Jean-Luc Cleyet-Merle.
Depuis 12 ans, tous les vendredis matin, Jean-Luc Cleyet-Merle, kinésithérapeute installé à Pont-Lorois à Belz, monte dans son automobile, conduit jusqu’à la gare maritime de Quiberon et embarque sur le bateau de 9 h 20, à destination d’Hoedic, où l’attend une petite dizaine de patients. Il débarque sur l’île à 11 h, chemine jusqu’au centre de soins et jusqu’à 17 h, heure du bateau retour, traite des épaules, masse des chevilles, détend des dos.
Docteur Couscous
Hoëdic n’a pas de kiné, ni même de médecin, installé à demeure sur l’île. Jean-Luc Cleyet est celui qui soulage les multiples petites et grosses douleurs d’une population hoëdicaise vieillissante. Il est attendu avec autant plus d’impatience, qu’il profite de sa venue hebdomadaire pour apporter des petites choses que l’on ne trouve pas sur l’île. Ça peut être des semences de melon, du saucisson et surtout du couscous, qu’il achète chez un charcutier-traiteur de Belz. Tant et si bien que ses patients l’ont surnommé affectueusement « Docteur Couscous ». Sur l’île, le couscous qu’il apporte est aussi apprécié que ses massages. À tel point que ses patients lui ont offert un chariot à roulettes qu’ils ont décoré à l’effigie du « Docteur Couscous ». Depuis 12 ans, ses allers-retours sur les navires de la compagnie Océanes lui coûtaient 5,80 € par semaine, car il bénéficiait, eu égard aux services de soins rendus, de la carte insulaire.

Tarifs préférentiels supprimés
Au début de l’année 2016, il reçoit un courrier de la compagnie Océane, lui demandant d’adresser dans les plus brefs délais un justificatif de domicile qui atteste qu’il vit à Hoedic ainsi que son avis d’imposition : « Les tarifs préférentiels ont été supprimés pour toute personne n’ayant pas son foyer fiscal sur l’île », précise le courrier. Ce à quoi il répond : « Je suis professionnel de santé et je prodigue des soins sur l’île ». Il pense que l’affaire va s’arrêter là. Las ! Fin juin, alors que, comme à son habitude un vendredi matin, il s’apprête à prendre le bateau qui le conduira a Hoedic, un guichetier lui signifie, qu’avec la nouvelle réglementation, le tarif insulaire est terminé pour lui. Il devra acheter une carte d’abonnement annuel d’un montant de 45 € et s’acquitter de 10 € pour un billet aller-retour. « Je me suis senti humilié. On m’a dit que je n’avais qu’à faire comme les artisans et augmenter mes tarifs. Il n’en est pas question », proteste-t-il ! « Depuis toujours je suis conventionné sans dépassement d’honoraires. J’ai réfléchi et j’ai pris ma décision. J’ai annoncé que je continuais encore trois mois et qu’ensuite c’était fini. Je comptais arrêter en octobre ». C’était sans compter sur la réaction des îliens. Se passer à la fois des massages et du couscous, impossible !
Convention
La solution va venir du centre hospitalier de Belle-Ile Yves-Lanco. Sa directrice, Corinne Tesnière, est consciente que l’offre de soin à Hoedic, réduite à la présence d’un infirmier toute l’année et d’un médecin en juillet et août, ne peut se passer de la présence de Jean-Luc Cleyet-Merlet. Elle lui propose de prendre en charge, via la signature d’une convention, sa carte d’abonnement et ses allers-retours. La convention stipule en outre, qu’après le départ à la retraite du kiné de Belz, l’hôpital pourvoira à son remplacement. Au grand soulagement de ses patients, Jean-Luc Cleyet a annulé sa décision de stopper son activité à Hoedic. Vendredi, il a pris le courrier à Quiberon, comme d’habitude. Dans le chariot du Docteur Couscous, il y avait trois couscous et deux saucissons à l’ail.

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