Lourdes. Vérificateur de miracles, un sacerdoce

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S’il a foi, c’est avant tout en la science : à deux pas de la basilique Notre-Dame-du-Rosaire de Lourdes (Hautes-Pyrénées), le docteur Alessandro de Franciscis vérifie les témoignages de pèlerins qui se disent « miraculés ». Son métier : trier le vrai du faux lors d’un processus médical rigoureux et unique au monde.

Sur le flanc de l’allée qui amène, chaque année, des millions de pèlerins à la grotte de la cité mariale, un panneau annonce austèrement le « Bureau des constatations médicales ».

Un médecin « inutile »

 

C’est ici, dans cet office à l’aspect vieillot, que les pèlerins dits « miraculés » viennent spontanément témoigner auprès du garant scientifique du sanctuaire de Lourdes. « Je suis le médecin le plus inutile au monde », aime à dire le docteur De Franciscis : « J’interviens quand les gens sont guéris », ajoute le Napolitain. « J’écoute tout le monde mais j’exprime un jugement : il y a des gens dérangés, qui se prétendent miraculés, alors qu’en fait, ils n’étaient pas malades », explique-t-il. « Je demande à la personne de me produire des preuves, comme des copies d’admissions à l’hôpital, des IRM, des scanners… » Si le dossier semble intéressant, un collège est formé pour son examen, en puisant dans le vivier des quelque 11.500 experts de la médecine de plus de 75 pays, réunis dans l’Association médicale internationale de Lourdes (Amil). Puis, si la guérison est confirmée, le dossier est soumis au Comité médical international de Lourdes (Cmil), qui comprend 27 docteurs de toutes spécialités. Lors de sa réunion à Lourdes, chaque automne, le Cmil ne retient que les rares guérisons « inexpliquées en l’état actuel des connaissances scientifiques ». Mais il n’est pas de son ressort de déclarer le « miracle » : seul l’évêque du diocèse de la personne guérie le fera. Le processus est très sélectif : sur 7.200 guérisons, seules 69 sont devenues des miracles depuis 1858 et les apparitions de la Vierge à Bernadette Soubirous, comme le veut la croyance catholique. Lors de la dernière session, les 18 et 19 novembre, 34 dossiers ont été soumis par le Dr De Franciscis, sur les « 130-140 » personnes qu’il a reçues. Sur ces 34 cas, « les trois quarts n’aboutiront à rien », reconnaît-il. Depuis la création du Cmil, en 1954, seuls vingt dossiers restent ouverts, les autres ont été classés. Quatre d’entre eux « sont des guérisons inexpliquées probables », selon le docteur, dont celui d’une enfant guérie d’une cécité à l’oeil gauche et celui d’une dame âgée qui a recouvré la santé après une sclérose. « Je ne touche pas une commission par miracle », plaisante le Dr De Franciscis avec sa gouaille toute latine.

Deux miracles reconnus en vingt ans

 

Très sévère, la sélection est également très longue : il a fallu 47 ans pour déclarer l’avant-dernier miracle, en 2012, le dernier datant de 2013. C’est le temps de la minutie. Car une guérison « inexpliquée » doit remplir trois conditions : la maladie doit être réelle, au pronostic défavorable ; la guérison doit être durable – « on a besoin d’attendre au moins une dizaine d’années ». Enfin, elle doit intervenir sans aucun traitement pouvant y avoir contribué. Les progrès de la médecine ont donc provoqué une raréfaction des miracles : seuls deux ont été reconnus en vingt ans, entre 1990 et 2010, contre 25 les quatre décennies précédentes. « Souvent, nous sommes accusés de ne pas croire au miracle. Mais non, c’est la médecine qui a changé, pas la religion », explique le pédiatre de 60 ans, par ailleurs fervent catholique et brancardier bénévole, à Lourdes, depuis plus de quarante ans.
© Le Télégramme

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