L’homme préhistorique mangeait déjà des huîtres

L’homme préhistorique mangeait déjà des huîtres

PAR MARIE MERDRIGNAC

Comment la coquille de l’huître se forme-t-elle ? Que peut-elle nous apprendre ? Faut-il vraiment manger des huîtres uniquement les mois « en R » ? Comment l’huître se nourrit-elle ? Dans un livre consacré au mollusque, Marie Lescroart fait le tour de la bête en 60 questions. En voici une sélection.

Depuis combien de temps mange-t-on des huîtres ?

« Depuis que l’homme connaît la mer », répond Marie Lescroart journaliste scientifique, auteure de l’ouvrage Les huîtres, 60 clés pour comprendre. En fait, les hommes préhistoriques en dégustaient déjà. Ils n’avaient qu’à se pencher pour en ramasser. « En Europe jusqu’à la fin du XIXe siècle, il n’y avait que de l’huître plate. »

Ceux qui étaient sans doute les premiers ostréiculteurs vivaient à l’extrême sud-est de l’actuelle Russie, sur le littoral de la mer du Japon, dans des habitations à demi enterrées, il y a 5 000 à 3 000 ans. « Ils pratiquaient vraiment l’ostréiculture puisque les coquilles retrouvées n’avaient pas de mollusques ou de crustacés fixés dessus. Cela montre que cette population en prenait soin », précise l’auteure.

Pourquoi dit-on de ne manger des huîtres que les mois en « R » ?

Quand on a commencé à manger des huîtres, les camions frigorifiques n’existaient pas. Et les amateurs du mollusque (notamment la noblesse européenne), n’habitant pas tous en bord de mer, il fallait transporter les huîtres à cheval ou en char à bœufs jusqu’aux assiettes des gourmands. « À éviter donc quand il faisait chaud, soit entre mai et août. »

Les hommes préhistoriques mangeaient déjà des huîtres. (Photo : archive Ouest-France)

Mais l’été est aussi la période de reproduction de l’animal. « Il est plus fragile. Comme la semence est mature, l’huître est aussi plus laiteuse, ce que certains consommateurs trouvent écœurant. » Tout devient officiel après un édit royal de 1759 qui interdit la pêche, le colportage et la vente des huîtres entre le 1er avril et le 31 octobre.

Ce n’est pas l’arrivée des réfrigérateurs qui a changé les habitudes de consommation, mais la création des huîtres triploïdes stériles (les huîtres des quatre saisons), qui peuvent se manger tout au long de l’année, sans variation de goût.

Comment se forme la coquille de l’huître ?

Elles donnent du fil à retordre à ceux qui doivent les ouvrir avant le repas, pourtant les coquilles d’huîtres ne sont pas toujours aussi solides. Dans les premières heures qui suivent l’éclosion, la « coquille embryonnaire » se forme. « Elle est la matrice de la coquille définitive » qui grandit tout au long de la vie du mollusque.

La coquille de l’huître, qui donne tant de mal à ceux qui les ouvrent grandit tout au long de la vie du mollusque. (Photo : archive Ouest-France)

Dans la première année de vie, l’huître fabrique de la coquille « à fond la caisse ». Mais il s’agit d’une dentelle plutôt fragile. Cette coquille est « sécrétée par le bord du manteau », la couche de tissus qui recouvre le corps de l’animal. Des ions calcium et carbonates captés dans l’eau de mer « circulent dans l’hémolymphe (l’équivalent du sang) et se concentrent entre le manteau et la coquille. Là, ils se précipitent sous forme de carbonate de calcium qui se dépose à la périphérie des valves qui se développent en arcs de cercle plus ou moins concentriques », détaille Marie Lescroart.

Que peut-on apprendre des coquilles ?

Les archéologues peuvent travailler sur les coquilles anciennes, retrouvées notamment dans des gisements coquilliers, comme celui de Beg-er-Vil, sur la presqu’île de Quiberon. En France, il s’agit du plus ancien, daté de 6 000 ans avant notre ère. Avec cet amoncellement de coquilles d’huîtres plates, on trouve aussi d’autres « vestiges, des ossements de mammifères, des bois de cerfs, des restes de crabes, de poissons » Les archéologues peuvent ainsi déterminer si ces endroits étaient des campements permanents ou seulement saisonniers, ce à quoi servaient les coquilles en dehors de l’alimentation. « On a retrouvé des coquilles vieilles de 11 000 ans, percées, qui servaient sans doute dans la composition de parures mortuaires. » D’autres servaient à lester les filets selon certains archéologues quand d’autres estiment qu’il s’agissait peut-être des éléments d’un rideau.

« Les coquilles d’huîtres sont de vraies archives de l’environnement. » (Photo : archive Ouest-France)

Des microforages permettent de distinguer les composants chimiques que l’huître a pu intégrer dans sa coquille, comme le carbone et l’oxygène sous différentes formes. « Leur présence et leur quantité relative renseignent sur la température, la salinité, la qualité de l’eau Les coquilles d’huîtres sont de vraies archives de l’environnement ! »

Comment les huîtres se nourrissent-elles ?

« Elles mangent comme elles respirent ! Leurs branchies servent de filets à plancton. À chaque fois qu’elles respirent, elles captent de l’oxygène dissous dans l’eau de mer et des particules planctoniques. » Ces particules sont ensuite conduites dans une gouttière qui longe le manteau (la couche de tissus qui recouvre le corps de l’animal) grâce à un courant créé par des petits cils. En même temps, « elles sont enrobées dans du mucus et amenées jusqu’à la bouche. Les plus grosses particules sont encore plus enrobées que les autres et ne sont pas ingérées mais rejetées. C’est le seul critère de sélection de la nourriture par l’huître que l’on connaisse pour le moment. On ne sait pas vraiment comment se fait la sélection », souligne l’auteure.

Qui produit le plus d’huîtres dans le monde ?

Parmi les huîtres comestibles, creuses et plates, il existe plus de 20 espèces différentes. Dix d’entre elles sont produites en élevage. « En 2010, 44 pays ont déclaré une production ostréicole. La production a fortement augmenté sous l’impulsion de la Chine qui produit 80 % des huîtres de la planète ! » Viennent ensuite le Japon et la Corée du Sud avec 200 000 tonnes produites par an, puis les États-Unis avec environ 150 000 tonnes par an, puis la France, mais avec 85 000 tonnes.

La Chine est le plus gros producteur d’huîtres au monde. Elle produit 80 % des huîtres de la planète. (Photo : archive Ouest-France)

Crassostrea gigas, l’huître creuse originaire du nord-ouest du Pacifique représente 99 % de la production française. 90 % des huître européenne sont produites en France. Ce qui n’y est pas mangé (10 % environ) est exporté en Allemagne et en Italie surtout.

Ouest France

Huîtres

 

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