En marche arrière, Ferrand s’enferre *

Richard Ferrand. Une question juridique, éthique et politique

* Titre du Canard enchaîné qui charge tandis que Ouest France est plus modéré envers le député du Finistère

Peut-il s’en sortir ? Dans ce que l’on appelle abusivement « l’affaire Ferrand », il y a trois niveaux, et donc trois réponses : juridique, éthique, politique.

Sur le plan juridique, l’ouverture d’une enquête préliminaire consécutive à un dépôt de plainte contre X est on ne peut plus normale. Il s’agit, sans préjuger de la suite, de rechercher s’il existe, au regard du code de la Mutualité et des règles de la probité, suffisamment d’éléments susceptibles de constituer une infraction pénale.

Le parquet financier, puis le parquet de Brest, en tout cas dans un premier temps, n’ont pas jugé utile d’ouvrir une enquête. Ce qui n’est pas surprenant.

Rappelons qu’à l’époque Richard Ferrand n’était pas député et qu’il s’agit d’une affaire privée. Que l’emploi d’un proche, dès lors qu’il ne s’agit pas d’un emploi fictif, n’est pas interdit. Et que participer, une fois élu, à un débat parlementaire sur la Mutualité – sauf à interdire aux médecins de parler de santé, aux agriculteurs de débattre d’agriculture ou aux fonctionnaires de voter le budget de la Fonction publique – n’est pas une incongruité.

Ce qui ne signifie pas qu’il n’y a pas d’infraction. Reste à le prouver.

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Sur le plan éthique, il est très difficile de faire procès à qui que ce soit. On est là dans un domaine qui relève de la conscience de chacun.

Richard Ferrand n’aurait sans doute pas dû prendre le risque d’un mélange des intérêts. Mais vouloir légiférer en la matière nécessite de définir où s’arrête la transparence et où commence l’inquisition. Il faut probablement perfectionner la loi, mais celle-ci n’empêchera jamais l’homme d’être homme et les Français d’être français, c’est-à-dire à dire de profiter d’opportunités moralement discutables mais légalement acceptables.

Sinon, il faudrait aller fouiller dans toutes les activités, a fortiori si elles vivent directement ou indirectement de l’argent public, qui font travailler qui son fils, qui sa compagne, qui son cousin… Pour François Bayrou, le chemin de crête est étroit.

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Sur le plan politique, c’est tout autre chose. Si un élu, ou tout autre responsable, doit démissionner ou être démis dès lors que son nom fait la une des médias, il va falloir en « virer » du monde ! Et pas que dans la politique.

Pour le pouvoir, c’est une situation infernale : il peine à défendre un homme sur qui pèse des suspicions et dont le cas peut avoir des conséquences électorales ; et il ne peut pas se séparer d’un présumé innocent sans créer une jurisprudence dangereuse.

En attendant, la presse doit faire son travail, dans les règles de la loi, de la déontologie et spécialement de la présomption d’innocence ; la justice doit faire le sien pour que l’on sache avant de condamner ; et les électeurs doivent se faire une opinion dans des délais incompatibles avec le rétrécissement du calendrier électoral.

L’ouverture d’une enquête préliminaire plombe un peu plus l’ambiance sans rien changer factuellement. En fait, la décision – cornélienne – appartient à l’intéressé et à lui seul

Ouest France

 

Canard enchaîné 31 mai 2017
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