Messe du 11 novembre 2017

Photo Christophe Stener

 

Homélie du 11 Novembre 2017

Chaque 11 novembre l’Eglise fête un soldat. Il ne porte pas la tenue bleu horizon des poilus de 1918. Il ne porte pas le treillis et tous les équipements de combat du soldat d’aujourd’hui envoyé en mission au Mali ou en Irak. Il a sur lui la tunique, la cuirasse ; le casque du légionnaire romain et le grand manteau rouge qui protège du froid et de la pluie.

Le nom de ce soldat est Martin que l’Eglise fête sous le vocable de saint Martin de Tours. Pourtant, il venait de beaucoup plus loin que de Tours puisque originaire d’une ville située aujourd’hui en Hongrie. Martin soldat de l’armée romaine, la tradition raconte qu’une nuit d’hiver de l’année 338, alors qu’il était en patrouille, il rencontre un pauvre homme, transi de froid. Avec son épée, il coupe son manteau en deux, en donne la doublure à celui qui en avait tant besoin.

Anecdote, légende dorée… ou bien un geste qui peut faire réfléchir en profondeur à la question de paix dans notre monde.

11Novembre : 99 années sont passées depuis que le clairon de l’armistice a mis fin à la grande guerre, à 4 années terribles et sanglantes. Ce jour appartient à l’histoire. Mais ce matin nombreux et de tous les âges sont ceux qui se rassemblent et qui se souviennent.

Par devoir de mémoire, oui ; mais aussi au fond de nous-mêmes, parce que nous savons que nous n’en avons pas fini avec la violence et les conflits.

« Plus jamais la guerre ! » Ces mots des soldats de 14, le pape Paul VI les a portés jusqu’à l’ONU. Les guerres ont pris d’autres formes que celle du 1er conflit mondial. Dans notre Europe qui a choisi la réconciliation, nous nous sentons à l’abri, laissant à quelques milliers de soldats la mission d’intervenir sur les points chauds de la planète, en pompier de la paix, au risque de leur vie. N’oublions pas non plus ceux qui nous protègent d’éventuels attentats terroristes.

Alors est-ce que la guerre et la paix ne nous concernent plus ? Martin avait une épée et une lance… Nous n’en avons pas, pas plus que de fusil ou de char d’assaut. Mais Martin avait aussi un manteau, ce fameux manteau partagé avec un pauvre homme. Un manteau, nous en avons un. Et si ce manteau de saint Martin avait quelque chose à nous dire de la guerre et de la paix, de la fragilité des temps actuels, la fragilité et le désordre du monde que nous laissons aux générations futures.

« Si vis pacem, para bellum » disaient les anciens. Si tu veux la paix, prépare-toi à la guerre. Est-ce que nous voulons la paix ? Ou pour le dire autrement, est-ce que nous nous sentons concernés par la paix, autour de nous et dans le monde ? Ou est-ce que nous pensons que c’est une affaire trop compliquée, qui nous dépasse, sur laquelle nous ne pouvons avoir prise.

Nous chrétiens, croyons qu’agir pour la paix est l’affaire de tous, qu’agir pour la paix est de la responsabilité de chaque habitant de cette terre.

Si tu veux la paix, prépare la guerre. On peut comprendre cette phrase pour des soldats. Mais nous, nous civils, citoyens, comment pouvons-nous nous préparer, comment pouvons-nous agir pour que la guerre n’ait plus jamais lieu ? Quand Martin coupe son manteau, il fait un geste de solidarité mais plus encore un geste de justice. Quand nous nous engageons, de mille manières différentes, pour la justice et la solidarité, nous faisons grandir la paix en écho à la parole du Psaume 145 : Le Seigneur garde à jamais sa fidélité, il fait justice aux opprimés ; aux affamés, il donne le pain ; le Seigneur délie les enchainés.

Si la paix dans le monde a besoin de l’épée de Martin, si elle a besoin de la force : elle a encore plus besoin du manteau de Martin, elle a encore plus besoin de la justice, du développement et de la solidarité.

Quand Jésus nous parle du règne de Dieu, il nous l’annonce comme un règne de paix, de justice et d’amour.. Comme les pharisiens demandaient à Jésus quand viendrait le règne de Dieu, il leur répondit : « Le règne de Dieu ne vient pas d’une manière visible. On ne dira pas : « Le voilà, il est ici ! » ou bien « Il est là ! » En effet, voilà que le règne de Dieu est au milieu de vous.

La paix du monde n’est pas au loin. Elle est au milieu de nous. Elle est notre responsabilité. Qu’elle devienne notre engagement. A chacun, à chacune de trouver, de choisir quelle part il peut prendre à la paix du monde, dans des engagements aussi divers que le soutien des ONG qui travaillent pour le développement à l’autre bout du monde. Tout se tient. Tout compte. La paix commence ici et maintenant. La paix commence dans nos familles, sur nos lieux de travail, dans nos communes, nos paroisses. La paix commence par nos choix de vie.

La nation de 14/18 était une nation en armes, mobilisée pour repousser l’invasion. La guerre a pris des formes nouvelles, des formes silencieuses, mais qui tuent ici et à travers le monde. Comment ne pas penser à la financiarisation de l’économie, au profit à n’importe quel prix, qui fragilise tant d’hommes, de femmes et d’enfants à travers le monde, qui fragilise les individus mais aussi la terre, les sociétés, les entreprises, les familles. Saurons-nous en prendre conscience et nous mobiliser contre ces nouvelles formes de guerre ?

IL existe un mouvement chrétien d’éducation à la paix intitulé : PAX CHRISTI. IL attire notre attention sur deux dimensions importantes de la paix dans le monde.

Le premier s’intitule : paix, environnement et mode de vie. IL se préoccupe de la préservation et de la sage gestion de notre planète. Responsabilité, sobriété, solidarité entre les individus au niveau local, national, international entre tous les hommes et avec les générations futures, respect de la création sont autant de valeurs qui découlent de la Bible, Ancien et Nouveau Testament.

Le second s’intitule : pour le pluralisme des cultures et des religions. Nous pouvons avoir une pensée pour nos frères chrétiens d’Irak et de Syrie victimes de la haine, de la violence et de la guerre. Pour faire grandir la paix, plus que jamais, il nous faut lutter contre la tentation de repli sur soi, la tentation de méfiance de l’autre. Il nous faut faire grandir et promouvoir nos valeurs, ce qui est essentiel pour nous. Et en même temps, il nous faut être attentifs aux valeurs portées par d’autres religions et cultures, ici et ailleurs.

11Novembre, journée du souvenir. Pour toutes les victimes de toutes les guerres. 11 Novembre : journée pour crier : plus jamais la guerre… et pour faire le point sur notre engagement au service de la paix.

Saint Martin, soldat, ami du Christ a partagé son manteau puis il est devenu ermite, moine, évêque. Dans tous ses choix de vie, il a cherché jour après jour, en vivant l’Evangile avec tous ceux qui l’entouraient, à faire grandir la paix. IL nous a ouvert un chemin.

Prenons ce chemin de paix et d’espérance ? Prenons-le avec foi et confiance, avec courage et détermination.

Père Jean Lucas

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