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Marc Ouellet, le cardinal au lourd passif qui rêve de succéder au pape François

Du 17 au 19 février dernier s’est tenu à Rome un «Symposium sur les vocations» présidé par le cardinal sulpicien Marc Ouellet, préfet de la Congrégation pour les évêques, le service de la Curie romaine qui gère les nominations et renonciations des évêques à travers le monde. Bien connu des vaticanistes, Marc Ouellet rêve de succéder au pape François. Si ce dernier lui fait confiance, le préfet de la Congrégation pour les évêques n’est pourtant pas proche de lui sur le plan théologique. Un point qui pourrait lui permettre d’obtenir les votes de cardinaux anti-François lors du prochain conclave.

Marc Ouellet est né en 1944 au Québec dans une famille nombreuse: ils sont huit enfants. L’un de ses frères, l’artiste Paul Ouellet, fut reconnu coupable d’agressions sexuelles sur deux mineures de moins de 15 ans dans les années 2000, un fait rappelé par le Survivors network of those abused by priests (SNAP) en 2013 alors que Marc Ouellet était pressenti pour succéder à Benoît XVI.

Le jeune Marc souhaite devenir prêtre et fréquente le «grand séminaire» et l’Université de Montréal. Il est ordonné prêtre en 1968 pour le diocèse d’Amos, part enseigner au séminaire de Bogota où officient les sulpiciens. L’ecclésiastique rejoint cette congrégation puis étudie à Rome à l’université pontificale Saint-Thomas-d’Aquin.

Il retourne enseigner au séminaire de Manizales (Colombie) puis reprend des études à l’université pontificale grégorienne où il obtient un doctorat en théologie dogmatique en 1983. Marc Ouellet devient rapidement un apparatchik, un formateur de prêtres tant en Colombie qu’au Canada, sans réelle expérience pastorale, excepté deux années comme vicaire après son ordination presbytérale.

Nommé cardinal à 59 ans

L’homme est réputé à cheval sur le dogme et fiable doctrinalement même si, en public, il peut sembler chaleureux et simple d’abord. C’est la raison pour laquelle Jean-Paul II (1978-2005) le nomme à la chaire de théologie dogmatique de l’institut pontifical Jean-Paul II, un institut réactionnaire fondé en 1981 et rattaché à l’université pontificale du Latran, dont la spécialité est le mariage et la famille. À cette fonction, Marc Ouellet forme l’élite des séminaristes, dont de nombreux Français qui devinrent évêques.

Cet institut Jean-Paul-II prônait la «théologie du corps», une doctrine qui développe de manière nouvelle l’enseignement classique sur la sexualité et la famille traditionnelle. En 2019, le pape François réforme en profondeur cet institut et en confie les clefs à Philippe Bordeyne, ancien recteur de l’Institut catholique de Paris, réputé pour son ouverture d’esprit et sa proximité avec le pape argentin.

En 2001, Marc Ouellet est nommé secrétaire du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens et élevé au rang d’évêque. Un an plus tard, il est nommé archevêque de Québec, puis cardinal en 2003. Il a alors 59 ans.

Pour Marc Ouellet, en 2010, «rien, pas même le viol, ne justifiait l’avortement, qui doit être considéré comme un crime “moralement”».

Au Canada, il devient proche du nonce à Ottawa, Luigi Ventura, plus tard nonce apostolique en France, condamné en 2020 pour agressions sexuelles. Marc Ouellet est aussi un intime de Joseph Aloisius Ratzinger, pape en 2005, qu’il «consult[a] pour l’orientation de [sa] vie, à l’une ou l’autre époque».

À Québec, le prélat n’est guère apprécié. Beaucoup le trouvent «intransigeant». De fait, durant son épiscopat québécois, Marc Ouellet se voit reprocher «ses nombreuses sorties, voire son acharnement, contre le mariage gay, l’avortement, l’euthanasie et le cours d’éthique et de culture religieuse». Pour Marc Ouellet, en 2010«rien, pas même le viol, ne justifiait l’avortement, qui doit être considéré comme un crime “moralement”».

Ses propos créent de vives polémiques et il est exfiltré à Rome. Sa position est jugée intenable, les chrétiens québécois veulent le voir partir. C’est alors qu’il devient préfet de la Congrégation pour les évêques, un poste qu’il occupe toujours aujourd’hui, pour quelques semaines encore.

Des fréquentations qui laissent songeur

À cette place, il a configuré l’épiscopat mondial pendant douze ans, promouvant des profils conservateurs, selon les vues de Benoît XVI. Papabile au conclave de 2013, il garde néanmoins ses fonctions sous François, lequel souhaite pourtant des évêques plus proches des gens et moins rigides. C’est Marc Ouellet qui façonne l’épiscopat français tel que nous le connaissons aujourd’hui, avec l’aide précieuse de Luigi Ventura. Il faut attendre l’arrivée du nouveau nonce à Paris, Celestino Migliore, en 2020, pour voir accéder à l’épiscopat des profils plus ouverts pastoralement.

Mais demeure attachée à ce cardinal une fâcheuse réputation d’intrigant. Du reste, certaines de ses fréquentations laissent songeur. En 2014, il a ainsi préfacé un ouvrage du prêtre et «psychanalyste» Tony Anatrella, suspendu a divinis par l’archevêque de Paris en 2018 après des accusations d’attouchements sexuels. Ces accusations remontaient à 2006. Le même Tony Anatrella a participé sans y être invité, semble-t-il, au Symposium sur le sacerdoce organisé par Marc Ouellet, selon un post sur Facebook du dominicain Philippe Lefebvre, lequel accompagne depuis toujours des victimes de ce prêtre qu’il n’a eu de cesse de dénoncer.

Par ailleurs, Marc Ouellet a aussi été cité dernièrement dans une obscure affaire révélée par Le Monde concernant les dominicaines du Saint-Esprit à Pontcallec (Morbihan) où se pratiqueraient des exorcismes sauvages. L’une des religieuses a été renvoyée pour «faute grave» de cette congrégation traditionaliste où le préfet de la Congrégation pour les évêques a ses habitudes. Cette religieuse serait en guerre avec une autre religieuse, amie de Marc Ouellet avec qui elle entretiendrait «des relations privilégiées». Ainsi aurait-il préfacé la thèse de doctorat sur Thomas d’Aquin soutenue à la Sorbonne de cette «partenaire théologique [qui] lui sert aussi d’assistante et de chauffeuse à Rome comme en France».

Cette religieuse est, de surcroît, membre du comité scientifique du Symposium sur les vocations, aux côtés de deux membres de l’Académie catholique ayant signé le contre-rapport Sauvé, auquel la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (CIASE) a sèchement répondu la semaine dernière. Ces académiciens connus pour leurs positions ultra-conservatrices ont ni plus ni moins «flingué auprès du pape» le travail de la CIASE.

Défenseur de la doctrine traditionnelle

C’est donc ce type de prélat, au lourd passif, qui souhaite ardemment succéder à François. Évidemment, pour qu’il y ait un conclave, il faut que le pape meurt ou renonce à sa charge. En outre, pour qu’un cardinal soit élu, il doit obligatoirement avoir moins de 80 ans. En juin prochain, Marc Ouellet fêtera ses 78 ans, âge auquel Joseph Aloisius Ratzinger devint pape. Mais François est toujours en poste, malgré ses problèmes de santé et ses 86 ans. Il continue de se projeter puisqu’il vient d’annoncer une année sainte pour 2025.

Mais qu’il soit électeur ou non-électeur, Marc Ouellet assurément jouera un rôle lors du prochain conclave, comme acteur ou en coulisses, promouvant la doctrine traditionnelle, notamment sur le célibat des prêtres ainsi que sur la famille. Personnage trouble de l’Église, son élection ne serait guère une bonne nouvelle pour l’institution religieuse, déjà ébranlée par les scandales en tout genre et les difficultés dues à son absence de réformes profondes.

Plus qu’un manœuvrier, l’Église après François aura besoin de consolider le peu de réformes entreprises depuis 2013 pour la faire entrer de plain-pied dans le XXIe siècle. La tâche est ardue et bien trop lourde pour le cardinal Ouellet, homme du passé qui n’a jamais été reconnu pour ses élans rénovateurs.

http://www.slate.fr/story/223827/marc-ouellet-cardinal-pape-francois-eglise-religion-catholique

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Le diocèse de Vannes lent à contribuer à l’indemnisation des victimes d’abus sexuels

Le diocèse de Vannes, qui couvre tout le territoire du Morbihan, va à son rythme. Il n’a en effet toujours pas décidé du montant qu’il réserve au fonds Selam (fonds de secours et de lutte contre les abus sur mineurs), dont la mission a été clarifiée depuis la publication du rapport Sauvé sur les abus sexuels dans l’Église. Sur ce sujet sensible, la communication dit beaucoup.

La Conférence des évêques de France avait annoncé sa volonté de réunir au moins 20 millions d’euros, au début de l’année 2022. Le diocèse de Rennes en a promis 500 000 dès le mois de décembre. Tout comme celui de Nantes. Les autres ont suivi et précisé les sommes : 150 000 € dans le Finistère et 200 000 € pour celui de Saint-Brieuc. Reste donc le Morbihan.

« Fonds disponibles »

Interrogé sur ses intentions, le diocèse continue de s’entourer de mille précautions : « Après s’être assuré de la compatibilité de cette disposition avec la gestion légale d’un patrimoine associatif, le diocèse de Vannes contribuera à la hauteur de ce que lui demande la Conférence des Évêques de France », confirmait-il la semaine dernière dans un communiqué. Au-delà de cette réserve technique étonnante – qui porte la signature de Raymond Centène, évêque de Vannes et… Docteur en droit – la participation vannetaise devrait approcher les 200 000 €. Dans la logique du 1 % par diocèse (il y en a cent en France). Pas moins. Mais pas plus, vraisemblablement.

Quand et comment cette somme hypothétique sera-t-elle réunie ? « Les modalités en seront établies après avis du collège des consulteurs », complète le diocèse, qui précise que cet argent proviendra « non pas de la vente d’un bien immobilier, mais de fonds disponibles ».

https://www.ouest-france.fr/bretagne/morbihan/bretagne-indemnisation-des-victimes-d-abus-sexuels-le-diocese-de-vannes-prend-son-temps-240582b4-6e2f-11ec-8165-e952f387eb50

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