Fête de Saint Jean Baptiste

Andrea del Sarto
Andrea del Sarto

                                                           SAMEDI 25 JUIN 2016

                                             FÊTE DE SAINT JEAN BAPTISTE

 

Saint Jean Baptiste, vous le connaissez bien, et pas seulement le récit de sa naissance, mais sa prédication fougueuse sur les bords du Jourdain et son humilité : il a conduit ses disciples à Jésus dont il disait qu’il n’était pas digne de dénouer la courroie de ses sandales. Ce qui me parait intéressant chez Jean Baptiste, c’est une phrase qu’il a prononcée, quelques mots qui étaient une vraie question qui lui sortait du cœur. Cette question, il l’a posée à Jésus par l’intermédiaire de ses amis, alors qu’il était en prison : « Es-Tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? »

Pourquoi attacher tant d’importance à cette phrase ? Tout simplement parce que cette question est la question de tout le monde. Sans doute la vôtre… Jésus est-il l’envoyé de Dieu, le Fils de Dieu ? Tout ce que l’on a dit de lui, est-ce vrai ? Tout ce que les chrétiens sont invités à croire à son sujet, est-ce que c’est vrai, ou bien est-ce une invention de ses disciples, une formidable erreur, un formidable mirage entretenu depuis des siècles ?

Interrogeons-nous : Pourquoi Jean Baptiste a-t-il posé cette question ? Pour deux raisons, semble-t-il. La première : en voyant Jésus il était étonné…au point de douter.

                      La deuxième : en voyant ce qui lui arrivait à lui, Jean Baptiste, il était scandalisé au point de douter.

Etonné au point de douter. En effet, marqué par la culture de son temps, Jean avait des vues très strictes sur le Messie. Ce devait être un justicier départageant sur le champ les bons et les méchants. Tout le monde, à l’arrivée du Messie, attendait une intervention foudroyante de Dieu, alors que charpentier de Nazareth racontait que Dieu était comme un berger qui va rechercher sa brebis perdue ou comme un père qui attend le retour de son fils qui a pourtant quitté la maison avec l’argent de la famille.

Comment ne pas s’étonner au point de douter ?

Comment vous dire que la foi en Jésus Christ ne peut que passer par l’étonnement. Avoir la foi, c’est être étonné. Les chrétiens sont les étonnés de l’amour. Tant que nous ne serons pas étonnés, nous ne serons pas croyant. Car le visage de Dieu révélé par Jésus est étonnant. L’Evangile est étonnant. L’Evangile est rempli de l’histoire merveilleuse de cet amour fou de Dieu qui nous étonne. Tellement étonnant que nous disons : « c’est inimaginable ». C’est vrai, jamais nous n’aurions pu l’imaginer : « C’est incroyable. » Et pourtant c’est cela qui s’appelle croire.

C’était la première raison de douter. Voici la deuxième : Jean Baptiste, en voyant ce qui lui arrivait était scandalisé, au point de douter. Jean est en prison, en raison de sa fidélité à sa mission de prophète. Il n’avait manqué ni de courage ni de conviction quand il avait dénoncé la mauvaise conduite d’Hérode. Et voilà qu’il est mis en prison dans la forteresse de Machéronte. Il pouvait tout craindre et la suite l’a prouvé. Sa tête a été exigée, à la fin d’un repas, par Hérode, pour faire plaisir à sa maîtresse. Enfermé dans son cachot, Jean Baptiste était enfermé dans sa question : « Jésus était-il le Messie ou fallait-il en attendre un autre ? » Si Jésus est vraiment l’envoyé de Dieu,  est-ce-que le sort fait à ses amis, à ses défenseurs, peut être aussi rude ? Qui est Dieu qui n’intervient pas pour protéger ses amis ?

Il n’est pas difficile de comprendre cette question, c’est la nôtre. Où est Dieu quand je suis accablée de souffrance ? Ne peut-il pas épargner la vie des justes, des innocents ?

Que fait-il ?

La réponse ne peut être qu’illusoire, tellement la question est énorme. Il s’agit rien que moins du problème du mal qui hante l’humanité depuis que le monde est monde. Certes le problème du mal, du malheur innocent, est un mystère ténébreux devant lequel on ne peut que balbutier. N’en déplaise à certains, les chrétiens n’ont pas réponse à tout. Et pourtant on ne peut pas se taire.

Que fait Dieu ? Dieu n’intervient pas ordinairement pour changer le cours des évènements. Ordinairement, car on ne peut pas mettre le miracle hors la loi. Mais le miracle n’est pas la loi. Dieu n’intervient pas à la place des hommes. C’est le prix qu’il attache à la liberté de l’homme. Il faut avoir le courage de le dire, même si bien des formules de prière nous ont habitués à ce genre de tranquillisant.

Dieu n’est pas intervenu pas empêcher la prison et la mort de Jean Baptiste.

Dieu n’est pas intervenu pour empêcher la mort de Jésus. Il n’est pas intervenu pour empêcher les hommes de le condamner et de l’exécuter. C’est donc que Dieu n’intervient  pas comme cela.

Il a fait mieux : en ressuscitant Jésus. Il nous donne l’assurance qu’une vie vécue dans l’amour, qu’une mort vécue dans l’amour sont des chemins de vie. Il nous donne de croire que c’est l’amour qui gagne et gagnera. Dieu n’intervient pas dans les évènements. Il intervient dans le cœur des hommes et des femmes qui vivent ces évènements, pour y mettre son amour qui peut tout changer.

Chers amis, continuons de prier pour que Dieu mette dans nos cœurs assez d’amour, assez de force  pour vivre ce que nous avons à vivre. C’est dans le cœur des hommes que Dieu intervient. C’est là que s’accomplisse les merveilles de Dieu.

Voilà 10 ans que les 7 moines de Thibérine étaient assassinés. Avant leur exécution, ils ont dû se poser la même question que Jean Baptiste : « Où est Dieu ? » Dieu n’est pas intervenu pour empêcher les extrémistes de les massacrer. Mais ce que croyons, c’est que Dieu est sûrement intervenu pour ciseler en eux des cœurs pareils, pour faire de ces sept hommes ordinaires des témoins extraordinaires d’un amour plus fort que la haine entre les peuples, les races, les religions, un amour plus fort que la mort. Comme pour Jean Baptiste, Dieu a fait d’eux des « lumières pour les nations ». Leur sacrifice a fait le tour du monde.

Au terme de cette méditation autour de Jean Baptiste, aurons-nous retenu à son école que la foi chrétienne, notre foi, peut être étonnée et même scandalisée ? Mais, elle vit au-delà de cet étonnement, au-delà de ce scandale.    

Père Lucas, Recteur de la paroisse de l’île d’Arz

 

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