Cormoran. L’oiseau de la polémique

La France est passée de 4.000 cormorans en 1970 à quelque 180.000 en 2012.

Depuis 1979, lorsqu’il est devenu espèce protégée, le grand cormoran prolifère. Gros consommateur de poissons, il s’attire les foudres des pisciculteurs. Pour tenter une régulation, le ministère de l’Environnement s’apprête à autoriser à nouveau des quotas de chasse. Une mesure qui émeut les défenseurs des animaux.
« Cinq cormorans sur un étang d’un hectare pendant un mois, cela vous plombe le résultat d’une pisciculture. On voit des étangs qui se retrouvent complètement vidés de leurs tanches, brochets, gardons et autres carpes », se désole Philippe Relot, vice-président de l’Association française des professionnels de la pisciculture d’étang, installé à Missillac (44). C’est peu de dire que le grand oiseau noir, aux pattes palmées et au cou en forme de S, est devenue la bête noire des professionnels de l’aquaculture.
La moitié du chiffre d’affaires
Dans le Centre-Bretagne, un jeune éleveur de poissons d’étang estime, à près de deux tonnes, le volume de poissons qui lui est subtilisé, chaque année, par les oiseaux prédateurs, le cormoran en tête. « Cela me coûte 70.000 €. C’est la moitié de mon chiffre d’affaires qui disparaît », se désespère ce chef d’entreprise.
En Bretagne, les quelque 60 pisciculteurs, qui pratiquent une aquaculture intensive, arrivent à protéger leurs truites de ce corbeau des mers glouton en installant des filets au-dessus de leurs bassins. « Sur les étangs, c’est plus difficile car on ne peut pas couvrir partout », fait remarquer le producteur du Centre-Bretagne.
De la nourriture sur un plateau
C’est bien le grand cormoran qui est visé par ces professionnels. Il ne faut pas le confondre avec le cormoran huppé, oiseau plus petit qui hiberne sur nos côtes.

Au bord de l’extinction, il y a 40 ans, le grand cormoran a vu sa population se multiplier en Europe depuis qu’il est protégé. Il s’installe de plus en plus loin des rivages, colonisant les fleuves, les rivières les étangs et les piscicultures qui leur offrent de la nourriture sur un plateau. La France est passée de 4.000 individus, en 1970, à quelque 180.000, en 2012. L’Europe compterait aujourd’hui près de deux millions de cormorans.
À raison de plus d’un demi-kilo par volatile et par jour, ce sont 360.000 tonnes de poissons qui seraient englouties par les cormorans dans les eaux européennes, selon la Fédération française d’aquaculture.
Les pêcheurs partagent le même combat que les pisciculteurs. « Des étangs sont abandonnés. Le cormoran a modifié les paysages », argumente Bernard Breton, secrétaire général de la Fédération nationale de pêche.
Un quota pour le Morbihan
Pour tenter une régulation, le ministère de l’Environnement propose, dans un projet d’arrêté, d’autoriser, chaque année, dans les trois ans à venir le tir de plus de 50.000 grands cormorans avec des quotas par département.
En Bretagne, seul le Morbihan devrait disposer de cette autorisation avec un quota annuel de 60 spécimens.
Cette chasse aux cormorans émeut la Ligue de protection des oiseaux (LPO) car ces tirs ne changent rien ou presque. « Cela fait quinze ans que l’on pratique de la régulation et on n’a pas vu d’effet tangible sur la fréquentation des sites. Ne faudrait-il pas s’y prendre autrement ? », s’interroge Matthieu Fortin, charge de mission de la LPO dans le Morbihan.

Sacrifier les oeufs ?
Cela étant dit, les pisciculteurs ne défendent pas les tirs, bec et ongles « Plutôt que d’aller jouer les cow-boys, on préférerait un plan de gestion européen. Ce serait plus efficace de sacrifier des oeufs sur les sites de nidification situés au Danemark et au Pays-Bas », note Jean Yves Colleter, pisciculteur à Plouigneau (29).

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