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Homélie du 13 mars 2016 – La femme adultère

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Lorenzo Lotto – La femme adultère

Dimanche 13 Mars

Evangile de Jésus Christ selon Saint Jean

En ce temps-là, Jésus s’en alla au mont des Oliviers. Dès l’aurore, il retourna au Temple. Comme tout le peuple venait à lui, il s’assit et se mit à enseigner. Les scribes et les pharisiens lui amenèrent une femme qu’on avait surprise en situation d’adultère. Ils la mettent au milieu, et disent à Jésus : « Maître, cette femme a été surprise en situation d’adultère. Or, dans la loi, Moïse nous a ordonné de lapider ces femmes-là. Et toi, que dis-tu ? » Ils parlaient ainsi pour le mettre à l’épreuve, afin de pouvoir l’accuser. Mais Jésus s’était baissé et, du doigt, il écrivait sur la terre. Comme on persistait à l’interroger, il se redressa et leur dit : « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter une pierre. » IL baissa de nouveau et il écrivait sur la terre. Eux, après avoir entendu cela, s’en allaient un par un, en commençant par les plus âgés. Jésus resta seul avec la femme toujours là au milieu. IL se redressa et lui demanda : « Femme, où sont-ils donc ? Personne ne t’a condamnée ? » Elle répondit : « Personne, Seigneur. » Et Jésus lui dit : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus. »

*

Quelle aubaine pour les ennemis de Jésus !

Quelle aubaine pour les ennemis de Jésus ! Ils sont sûrs, ce jour-là, d‘avoir trouvé la manière de le piéger.

Ils traînent devant lui une femme surprise en flagrant délit d’adultère. Mais ce n’est pas cette femme qu’ils veulent juger, c’est Jésus. Ils espèrent, ce jour-là, le mettre dans une situation impossible. « Moïse nous a ordonné de lapider ces femmes-là, et toi qu’en dis-tu ?

Le piège est bien monté. Si Jésus se déclare d’accord avec Moïse, toutes ses paroles sur le pardon des pécheurs, sur le Dieu miséricordieux ne sont que du vent. Et, s’il se prononce sur l’acquittement, il se met en opposition avec la Loi et les prophètes.

Jésus refuse de mêler son regard à ceux des juges improvisés. Regarder à ce moment- là, ce serait se faire complice du lynchage de cette femme. Il se baisse et écrit sur le sol. Soudain, il crève le silence par une de ces paroles dont il a le secret et qui bouleverse les débats de fond en comble : « Que celui d’entre vous qui est sans péché lui jette la première pierre. » Autrement dit, il demande d’abord aux juges de se juger eux-mêmes, en conscience. Et vous savez la suite : ils s’en vont l’un après l’autre, à commencer par les plus âgés !

Que veut nous dire Jésus aujourd’hui ?

Les mêmes choses avec les mêmes mots : deux phrases énormes, aux significations immenses.

La première : « Que celui qui est sans péché lui jette la première pierre. »

Y a-t-il une phrase qui en dise aussi long en aussi peu de mots, et avec autant de justesse, sur la condition humaine ? Qui peut s’ériger en juge de son frère ? Qui ?

D’abord pour une simple raison de bon sens. Que sais-tu de cet homme que tu juges ? Que sais-tu de cette femme qui tu condamnes ? Que sais-tu de ce couple qui a divorcé ? Peux-tu imaginer l’enfance de ce jeune délinquant ? As-tu une idée de ce qui a amené cette personne à se donner la mort ?

Et maintenant, écoutons la parole de Jésus : Que celui qui est sans péché lui jette la première pierre. » N’avons-nous pas envie d’ouvrir la main pour lâcher la pierre que nous nous apprêtions à lancer, la pierre tranchante du ragot, de la critique qui ternit une réputation, du jugement sans appel, de la méchanceté ?

Cet évangile interroge chacun de nous à ce niveau-là. Il interroge toute personne quelle qu’elle soit !

C’était la première parole de Jésus, voici la deuxième : « Moi non plus, je ne condamne pas, va et ne pèche plus. » Jésus ne ferme pas les yeux sur la gravité du péché, mais il les ouvre sur le visage du pécheur. Si vous parcourez l’Evangile, vous y trouverez Zachée, le percepteur d’impôts, Matthieu, les publicains, Marie Madeleine, la Samaritaine, et même le prisonnier de droit commun sur son poteau d’exécution, à droite de Jésus. A tous Jésus a pardonné leurs péchés.

Jésus nous révèle le vrai visage de Dieu qui n’est qu’amour et miséricorde. Dieu n’attend pas que nous changions pour nous pardonner, il nous pardonne pour que nous changions : « Voici que je fais un monde nouveau ; il germe déjà, ne le voyez-vous pas ? »

Ce monde nouveau, nous le savons, a été inauguré par le Christ. Il est parmi nous, en germination, en croissance. Mais le voyons-nous ? En profitons-nous ?

Père Lucas

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« Ton frère que voilà était mort, et il est revenu à la vie » Homélie du Dimanche 6 mars 2016

reconciliation-fils-prodigue                                                       Rembrandt – Le retour du fils prodigue

     DIMANCHE 6 MARS 2016

              Evangile de Jésus Christ selon saint Luc

(CH 15 verset 1-3, 11-32)

                    «  Ton frère que voilà était mort, et il est revenu à la vie. »

Jésus raconte cette parabole du Père miséricordieux pour permettre aux scribes et aux pharisiens d’aller plus loin, pour leur faire découvrir un visage de Dieu qu’ils ne connaissent pas encore, le vrai visage de Dieu, leur Père.

Il faut savoir que les pharisiens sont réellement des gens très bien : très pieux et fidèles à la Loi de Moïse, à chaque instant et dans les moindres détails de leur vie quotidienne, ils essaient de faire ce qui plait à Dieu. Pourquoi alors sont-ils choqués par Jésus ? C’est que « cet homme fait bon accueil aux pécheurs et mange avec eux. » Pour eux, il y a incompatibilité totale entre la sainteté de Dieu et ceux qui, de notoriété publique sont des pécheurs. Si Jésus avait un peu de discernement, il verrait à qui il a affaire !

Dans cette merveilleuse parabole du Père miséricordieux que raconte Jésus, s’exprime toute la passion de Dieu pour nous dire qu’aucun homme, fût-il mort, n’est définitivement perdu.

Le fils cadet est sorti du réseau familial. Petit à petit, il perd son lien social, il perd son travail, il perd ses ressources, il se vend pour garder les porcs. Voici les questions qu’il se pose : Qui suis-je ? Que suis-je devenu ? Dépréciation, Dépendance, Dépression.

« Rentrant en lui-même, » il s’interroge. Donc tout n’est pas perdu en lui. Il lui reste le centre de sa conscience, le sanctuaire secret de sa personne, la fine pointe de son âme. Il reprend en main les éléments dispersés de sa vie. Les souvenirs reviennent à la mémoire. Ce n’était pas si mal à la maison de mon père. Je veux revenir, mais je ne veux pas redevenir un fils. «Traite-moi comme l’un de tes serviteurs, » dit-il à son père.

Mais ce n’est pas l’attitude de son Père. Il attend, il guette. Il est même ridicule, car il ne cesse de manifester sa faiblesse. Jamais dans la tradition sémite un vieillard ne sort de chez lui. D’habitude, on vient chez lui.

En plus il court. Jamais un homme ne doit courir. Courir, c’est pour les esclaves. Le Père est pris aux entrailles, il couvre son fils de baiser. Il lui donne des sandales, signe de l’homme libre.

L’esclave n’avait pas droit aux sandales. S’il s’échappait, on pouvait plus facilement le rattraper.

Puis c’est l’invitation à la fête : « Apportez la plus belle tunique, un anneau, une alliance… »

Ce Père qui accueille son fils prodigue, c’est Dieu, notre Père. Sa miséricorde n’est pas un coup d’éponge. Elle est un réenfantement. C’est ce qu’a traduit Rambrandt dans son tableau : main du père et main de la mère.

La miséricorde, c’est l’amour qui redouble devant le péché et la misère. Dieu veut refaire l’homme, c’est sa passion.

Le fils ainé casse la famille à son tour. Il est fidèle mais méprisant. Il est travailleur, mais il ne connaît pas la fête. Il est pur mais il est dur. A t’il souffert du départ de son frère ? En tout cas il souffre de son retour. Le père sort et le prie : « il ne s’agit pas de toi, mais de ton frère qui était mort et qui est vivant. »

Ce qui est frappant dans cette parabole, c’est que ces deux fils ont au moins un point commun : leur manière de considérer leur relation avec leur père ; car l’un et l’autre font des calculs. Celui qui est parti dit : « Je ne mérite pas. » Celui qui est resté fidèle dit : « Je mériterais bien quand même quelque chose. » L’un et l’autre envisage leur attitude filiale en terme de comptabilité. Le Père, lui, est à cent lieux de ces calculs : il ne veut pas entendre parler de mérite, ni dans un sens, ni dans l’autre ! Il aime ses fils, c’est tout. Le cadet disait : « Donne-moi ma part qui me revient…. » Le Père va beaucoup plus loin, il dit : « Tout ce qui est à moi est à toi. »

Avec Dieu, il n’est pas question de calcul, de mérites. Il n’est question que d’amour gratuit.

Jésus est venu nous montrer que Dieu son Père est depuis toujours Amour et Pardon. IL a accepté de mourir d’avoir eu trop d’audace, d’avoir été trop gênant pour les autorités en place qui prétendaient savoir mieux que lui qui était Dieu. N’avons-nous pas à nous réconcilier sans cesse avec le vrai visage de notre Dieu, surtout en cette époque où l’humanité est accablée de tant de malheurs et que certains auraient tendance à en rendre Dieu responsable ?

Notre foi en Dieu nous demande d’offrir autour de nous un visage souriant du christianisme.

Père Lucas

Recteur de la paroisse de l’île d’Arz

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