Boëde, l’île agricole redevenue sauvage

Le Télégramme

Boëde ou Boëd ? Avant même de mettre les pieds sur cette île de la commune de Séné au Nord-Est du golfe, elle interroge… Mais ce qui pose le plus question, c’est par où y accéder ! À marée basse, du village de Gorneveze à celui du Badel, une immense vasière barre l’accès.

Suivre les cailloux

« Autrefois, il y avait un passage pour les charrettes, en bas de Cadouarn », explique Luc Brulais, passionné d’histoire locale. Il est vrai que l’île était travaillée par plusieurs paysans qui devaient ramener leur récolte de blé ou de choux sur le continent. Les fermiers sinagots passaient aussi dans l’autre sens pour aller au puits communal, réputé toujours en eau. Le dernier agriculteur est parti en 1954. Depuis la végétation a envahi l’île, faisant quasiment disparaître le puit et sa belle auge, et la vase a recouvert le passage. Seul reste aujourd’hui le gué des piétons. Au bout de la rue de Cadouarn, il faut suivre le sentier côtier vers Moustérian. Quand on atteint l’étang, une ancienne saline, on descend sur la grève. Là, sur la gauche, on découvre une bande empierrée que jalonnent de grosses buses. « Il faut suivre les cailloux ! », conseille Luc Brulais. Et surtout ne pas s’en écarter : la vase alentour est particulièrement molle. L’historien a retrouvé trace de noyades aux XVIIIe et XIXe siècles. Le gué passe entre les zoostères, ces herbiers dont sont friantes les oies bernaches. Et voilà la côte de l’île. Boëde ou Boëd, selon qu’on parle français ou breton, précise le panneau qui rappelle les règles à suivre dans ce milieu sensible : pas de camping, ni feu, ni cueillette, ni déchets. Et surtout : rester sur les sentiers.

Mégalithes et tour carrée

 

L’île se mérite. Pour en avoir un bel aperçu, il faut compter au moins une heure et demie. Prendre le chemin vers l’Est permet d’en atteindre le point culminant. Dans la lande, on devine les restes d’un monument mégalithique. La société savante de Vannes, la polymathique, a d’ailleurs mené des fouilles ici au XIXe siècle. Une hache polie de Boëde est ainsi au musée d’histoire et d’archéologie de Château-Gaillard. L’endroit offre également un magnifique point de vue sur l’île, sur le littoral de Séné, l’île de Lern et le Nord de l’île d’Arz. Un peu à droite en contrebas, une belle plage s’ouvre, dominée par une tour. « C’est la tour du Ténéro », explique Luc Brulais. « Il y a d’abord eu une cabane pour le gardien des parcs à huîtres, puis cette tour a été édifiée en 1899. » Au début du XXe siècle, toute une famille et ses trois enfants vivaient là. Les grandes marées les isolaient sur leur rocher, où le cochon trouvait alors aussi refuge. En s’aventurant dans les chemins creux, souvent bordés de murets de pierre, on découvre la plus ancienne bâtisse de Boëde, la métairie. Deux autres fermes seront ensuite construites. Et l’île a même abrité une chapelle. Il n’en reste qu’une statue de Saint-Vidal à l’église du bourg. « On venait à la chapelle en procession pour demander des nouvelles des marins absents », raconte Luc Brulais. C’est aussi à Boëde qu’étaient carénés nombre de sinagots, aujourd’hui bateaux du patrimoine. Sur l’île, dans une anse au nord-ouest, il n’y a que quelques épaves investies par les salicornes. En quelques décennies, Boëd(e) s’est donné un charme sauvage.

Pratique
Le passage de Boëde est accessible trois heures avant et après la basse mer (horaires du port d’Arradon). Prévoir bottes et pantalon.

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