Danielle Darieux est morte

 

Stibiden reste la propriété de la famille de Danielle Darrieux qui s’est retirée en Normandie après avoir passé de nombreuses années dans ce coin de paradis. Elle y pêchait à pied.

La comédienne Danielle Darrieux, qui a fêté ses 100 ans le 1er mai 2017, vient de décéder. Elle avait incarné avant Brigitte Bardot et Catherine Deneuve, une belle image de la femme française dans le monde entier : élégante, piquante… L’actrice dont la famille reste propriétaire de l’île Stibiden dans le Golfe du Morbihan y est venue très souvent.

“Je suis née le jour même où partout en France on vend du muguet”, s’amusait, dans ses souvenirs, Danielle Darrieux, l’immense comédienne aux 103 films et à la trentaine de pièces, archétype de la beauté féminine pour toute une génération. Elle avait fêté en mai 2017 ses 100 ans. Elle vient de décéder.

« C’est un phénomène unique en son genre. Quelle autre actrice en France et dans le monde peut se targuer d’avoir débuté sa carrière à 14 ans à peine pour la finir à l’âge de 93 ans ? », s’interroge Clara Laurent dans son livre “Danielle Darrieux”, une femme moderne » (édition Hors-Collection).

Elle vivait jusqu’alors dans l’Eure. Cela fait désormais quelques années qu’elle ne venait plus sur son rocher du Golfe du Morbihan mais elle y a de très nombreux souvenirs.

Une île de 8 hectares

Stibiden, petite île, rattachée à la commune de Sarzeau, en face de la pointe de l’Ours, a été achetée par Danielle Darrieux et son mari Georges Mitsinkidesen en 1954 à M. de Barbeyrac qui y menait des moutons en canoë à partir de l’Ile-aux-Moines.

Elle appartient encore aujourd’hui à la famille de l’actrice. Sa belle-fille Sylvie (fille de Jean Poiret et de Françoise Dorin) et ses deux petits-enfants aiment à s’y retrouver.

Stibiden qui abrite deux longères en granit près de la plage sud de l’île s’étend sur près de 8 hectares, sur lesquels ont été plantés 3 600 arbres. « Quand on l’a acquise, elle était totalement sauvage, il y avait des ajoncs impénétrables et des pins maritimes alors que maintenant il y a des châtaigniers, des vergers », confiait Danielle Darrieux, en 1990, lors d’une interview télévisée accordée à la journaliste Eve Ruggierri.

C’est l’une des rares fois, où l’actrice a entrouvert son jardin secret pour parler de son petit coin de paradis.

« J’ai trouvé cette île totalement par hasard, racontait-elle à l’époque. Je me promenais en Bretagne, une région que je ne connaissais pas bien. Mon mari m’a dit : « Je vais te faire découvrir le Golfe du Morbihan, un endroit extraordinaire ».

« Un coup de foudre »

Un pêcheur les a promenés dans la petite mer. « J’ai photographié un bout de terre en disant en plaisantant : « Tiens, voilà notre île ». Et puis on s’est renseigné pour savoir si parfois il y en avait en vente. On nous a dit : « C’est très rare, ça appartient à des familles. » Et puis deux ans après, on a reçu une photo avec un courrier nous disant : « Il paraît que ça peut vous intéresser : cette île est à vendre ! » Ce qui est incroyable, c’est que c’était l’île de la photo que j’avais prise. Ça a été immédiatement le coup de foudre. »

Le retour à l’essentiel, cette star du cinéma n’en a jamais eu peur. Bien au contraire : « Au début, il n’y avait pas d’électricité. On vivait avec des lampes à pétrole. On revenait aux temps anciens, c’était extraordinaire. Là-bas, on était comme des gosses. La première fois que la télévision est arrivée à Stibiden, c’est quand on a acheté un groupe électrogène. C’était fabuleux de pouvoir tout allumer. Il n’y a pas d’eau courante mais une énorme citerne. C’est pourquoi, là-bas, on a la peau douce. On fait de l’écologie sans le savoir. La défense de la planète est d’ailleurs le seul mouvement militant qui me passionne. »

Un film à l’Ile-aux-Moines

Et de poursuivre : « Pour y être bien, il faut quand même avoir envie de vivre sur une île,confiait-elle. J’ai des amis qui sont venus me voir mais au bout de huit jours, ils tournaient en rond car il n’y avait pas de casino ni de restaurant. En revanche, moi, ça me plaît, je suis une vraie sauvage. Je n’aime que la nature et la famille en vérité alors même que je fais un métier public, c’est ça qui est drôle. Je fais une grande séparation entre ma vie privée et ma vie publique. »

Parfois, le hasard les a fait se rejoindre. Ce fut le cas en 1979, lorsqu’elle a tourné à l’Ile-aux-Moines, à deux pas de chez elle, « Le Cavaleur » de Philippe de Broca avec Jean Rochefort, Nicole Garcia et Annie Girardot.

Depuis de nombreuses années, Danielle Darrieux ne logeait plus sur Stibiden mais louait jusqu’en 2015 une maison à Larmor-Baden, dans le golfe du Morbihan où elle a laissé l’image « d’une femme lumineuse, gaie, au regard pétillant et racontant toujours plein d’histoires drôles sur le milieu du cinéma », témoigne l’une de ses plus proches voisines.

« Quand elle venait ici, elle ne voulait pas voir grand monde malgré les nombreuses sollicitations. Elle acceptait juste quelques apéritifs avec le voisinage. Elle appréciait son petit whisky. Elle revenait toutes les quatre à cinq semaines. La Bretagne, c’était tout pour elle. »

À l’horizon, elle contemplait l’Ile-aux-Moines et bien sûr Stibiden dont elle garde des souvenirs intacts depuis la Normandie où elle s’était retirée.

Danielle Darrieux, la fiancée de Paris et de Hollywood !

De “Mayerling” (1935), son premier rôle tragique, à “Battements de coeur” (1939) d’Henri Decoin, son premier mari, elle est la coqueluche de l’avant-guerre d’autant qu’à ses talents de comédienne s’ajoute une très jolie voix. On l’appelait alors DD. On disait aussi : “La fiancée de Paris”.

Un contrat à Hollywood

Le succès mondial de “Mayerling” lui ouvre les portes d’Hollywood. Après avoir signé un contrat de 7 ans avec les studios Universal, elle tourne “The Rage of Paris” (“La coqueluche de Paris”) avec Douglas Fairbanks Jr, en 1938. Mais, très vite, Danielle Darrieux s’ennuie et, au bout d’un an, rentre en France.

Elle divorce en 1941, se remarie en 1942 avec le diplomate milliardaire et play-boy dominicain Porfirio Rubirosa. L’actrice n’interrompt pas son activité en France sous l’Occupation, tournant pour la Continental, la société de production allemande installée à Paris.

Elle fait partie du fameux voyage à Berlin en 1942 avec d’autres acteurs français. “Femme amoureuse”, selon ses mots, elle dit avoir accepté cette “invitation” pour voir Rubirosa, qui, soupçonné d’espionnage, venait d’être arrêté par les Allemands. Danielle Darrieux passe la fin de la guerre en résidence surveillée à Mégève.

“La seule femme qui m’empêche d’avoir peur de vieillir”

Elle se marie à nouveau en 1948 avec le scénariste Georges Mitsinkidès et commence une seconde carrière, notamment dans “Madame de…” et “La Ronde” (Max Ophüls). Elle enchaîne les films (“Les Demoiselles de Rochefort”, “Le cavaleur” etc) et, à la scène, triomphe à Broadway en 1971 dans une comédie musicale sur Coco Chanel. On la verra ensuite au théâtre à Paris dans “Domino” (1970) ou “Adorable Julia” (1987).

En 1995, elle reprend, entre tours de chants et séries télévisées, le rôle de la merveilleuse septuagénaire de “Harold et Maude”. En 2003, elle interprète seule en scène “Oscar et la dame rose” (d’Eric-Emmanuel Schmitt), qui lui vaut un Molière de la meilleure comédienne.

A un âge avancé, Danielle Darrieux a inspiré les jeunes réalisateurs comme François Ozon (“Huit femmes”, 2002). “C’est la seule femme qui m’empêche d’avoir peur de vieillir”,disait Catherine Deneuve, partenaire dans ce film.

A l’occasion du centenaire, une rétrospective est organisée au cinéma parisien Grand Action le weekend du 1er mai. Un colloque se tiendra à l’université Bordeaux Montaigne du 3 au 5 mai et un hommage lui sera rendu à la cinémathèque de Toulouse en novembre. En 2009, la Cinémathèque française avait organisé une grande rétrospective de ses films.

Ouest France

Morbihan : Revue de presse de la semaine

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