Le Président du Conservatoire du littoral plaide pour un assouplissement de la Loi littoral

“La loi Littoral a un côté parfois dogmatique et l’on s’interdit d’y toucher”, déplore David Lappartient, président du Parc naturel régional du golfe du Morbihan.

La loi Littoral a fait couler beaucoup d’encre et généré du contentieux depuis son adoption. 32 ans de jurisprudence plus tard, qu’en reste-t-il ? Quelques éléments de réponse avec David Lappartient, président du Parc naturel régional du golfe du Morbihan.

Dans quel contexte est née la loi Littoral, votée le 3 janvier 1986 ?

À l’époque, on voyait le littoral français s’artificialiser rapidement et de manière anarchique. Les espaces naturels se consommaient davantage dans le sud de la France, au bord de la Méditerranée. Mais cette loi ne visait pas qu’à protéger le littoral mais aussi à le mettre en valeur. Le littoral est un atout indispensable pour certaines activités, comme l’ostréiculture. Il ne faut donc pas le mettre sous cloche.

Quels sont les grands principes édictés en matière d’urbanisme ?

Il y en a trois. Premièrement, la bande littorale des 100 mètres est inconstructible, sauf dans les espaces déjà urbanisés. Puis, dans les espaces proches du rivage, l’urbanisation doit être limitée. Ce qui s’apprécie par rapport à ce qu’il y a autour : un immeuble de cinq étages ne fera pas le même effet à La Baule et au petit port de Saint-Jacques, à Sarzeau ! Enfin, les extensions en urbanisation doivent se faire en continuité des agglomérations et des villages existants. Et quand on parle de village, il ne suffit pas d’avoir quelques maisons, il faut vraiment des lieux de vie communs. C’est le point le plus fondamental, car ce troisième grand principe s’applique sur l’intégralité du territoire d’une commune qui a une façade littorale. Ce n’est pas toujours compris : quand vous êtes au nord de Muzillac, à 10 km de la mer, cela s’applique quand même.

La loi a-t-elle permis d’éviter le bétonnage de nos côtes ?

Oui, très clairement. Ça n’a pas empêché de construire, mais ça a cadré les choses. Dans le Morbihan, on est particulièrement de bons élèves, selon une étude ministérielle. Quand on se balade autour du golfe, on n’a pas à rougir des paysages que l’on va laisser aux générations futures.

Sur quels aspects faut-il la réformer selon vous ?

Il y a deux points à corriger, mais sans changer la philosophie de la loi. Aujourd’hui, des carrières ou des terrains en friches ne peuvent pas être utilisés pour y mettre une centrale photovoltaïque à cause de la loi Littoral. Ça permettrait pourtant de les valoriser. Par exemple, à Sarzeau, on a une carrière, qui va arrêter son activité à la fin de l’année, et le centre d’enfouissement de la Lande du Matz, soit 25 hectares sur lesquels on pourrait produire 15 MW. Le second point, c’est la notion de dent creuse qui est trop stricte dans certains hameaux. C’est compliqué d’expliquer à un administré, quand son terrain est entouré de cinq maisons, qu’il ne peut pas construire au milieu !

L’amendement à la loi Elan semblait aller dans ces directions, mais devant la levée de boucliers, le gouvernement y renonce en grande partie. Où cela coince-t-il ?

Le problème est politique. Tous les parlementaires morbihannais sont d’accord à ce sujet, car c’est du bon sens et du pragmatisme. À l’inverse, je regrette la position dogmatique du gouvernement, qui refuse d’autoriser l’installation de centrales photovoltaïques. Que Nicolas Hulot ne vienne pas ensuite faire le beau en parlant de transition énergétique !

« La loi Littoral a un côté parfois dogmatique et l’on s’interdit d’y toucher », déplore David Lappartient, président du Parc naturel régional du golfe du Morbihan. (Photo Gwen Rastoll)

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aul Chapel, fondateur du collectif local « Loi littoral », réagit à l’amendement qui vient d’être adopté dans le cadre de la loi ELAN (Logement aménagement et numérique). Une décision qu’il juge « équilibrée et juste ».

« Cet amendement reprend, pour une bonne part, l’esprit des précédents projets de proposition de loi présentés par les sénateurs Vaspart, Retailleau et Bas et qui consiste à revenir à l’esprit initial de la loi Littoral en autorisant les constructions dans les « dents creuses ». Une étape primordiale vient d’être franchie, sous réserve bien entendu du vote de la loi ELAN qui devrait être entériné au plus tard fin juin ». L’élu Carnacois se réjouit : « Il sera donc possible de construire dans les terrains entourés de constructions regroupées en hameaux de faible ampleur. Pour cela, il conviendra, dès adoption de la loi, de revoir les Scot et les Plu (Plan local d’urbanisme) afin de matérialiser ces secteurs ».

Pas de « zones urbanisées » à craindre

 

Il poursuit : « Une protection supplémentaire est également apportée en supprimant l’autorisation de créer des hameaux nouveaux intégrés à l’environnement, je suis également favorable à cette décision qui évite de créer des nouvelles « zones urbanisées » sur le littoral ».

« Je ne peux que me réjouir par ailleurs que le Ministère de la cohésion des territoires avec lequel je me suis entretenu dès le 17 janvier dernier et le cabinet du premier ministre où j’étais accompagné du député Pellois et de la sénatrice Jourda aient pris en compte, notamment, la mesure que je réclame depuis octobre 2016, relative aux « parties actuellement urbanisées », illustrée par un document établi par la DDTM du Morbihan en 2006 ».

Paul Chapel conclut : « Par ailleurs, il convient également de souligner que l’État reconnaît que la loi Littoral doit être territorialisée afin de rendre les élus locaux le pouvoir de gérer les autorisations du droit des sols. Il s’agit là de restaurer le principe de décentralisation né de la loi Deferre de 1983 et de responsabiliser les maires qui sont favorables à une protection équilibrée de leur rivage. Il convient maintenant d’adapter les dispositions de la loi Alur (Accès au logement et urbanisme rénové) en rajoutant un article qui définit ces secteurs déjà urbanisés « densifiables ».

Le Télégramme

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